Le travail de Christophe Hazemann nous offre un pas de côté et repoétise notre perception du monde.
Ayant développé très tôt une pratique artistique, Christophe Hazemann s’est progressivement détaché du sujet pour s’orienter vers l’abstraction photographique. Voir au-delà du sujet, à la manière de Pierre Soulages et de son outrenoir, offre au spectateur une autre esthétique de l’objet, de la matière et des motifs, comme une relecture des réalités. Dans ses œuvres souvent abstraites où l’infiniment grand côtoie l’infiniment petit, le regard privé de repères est suspendu, comme en apesanteur, et entre en contact immédiat avec la photographie.
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"En fait, tout est Soulages. Toute ma vie, je n’ai finalement photographié que du Soulages sans le savoir .
L’exposition présente un corpus de vingt-cinq œuvres regroupant son travail réalisé à partir des œuvres de Pierre Soulages et des photographies issues de son travail sur d’autres supports. Loin d’être hétérogène, la présentation met en lumière l’unité du regard du photographe.




RENCONTRE AVEC CHRISTOPHE HAZEMANN
Comment est né ce projet photographique à partir des tableaux de Pierre Soulages ?
Mon travail de photographe, commencé il y a au moins trente ans, est basé sur le reflet, la lumière, une recherche de l’impalpable. Directeur adjoint du musée Soulages, je n’avais pas songé à allier mon approche avec ses œuvres, puis mon instinct de photographe a repris le dessus. J’ai commencé à re garder ses tableaux différemment, en me déplaçant pour capter la lumière qui jaillit de ses outrenoirs. Le noir de Soulages m’intéresse pour sa profondeur - l’idée photographique de « chambre noire » - et pour la lumière qui en émerge, avec toutes les couleurs du spectre lumineux. J’essaie de révéler les toiles de Soulages, de faire apparaître ce qu’on ne peut pas voir mais qu’on ressent.
Cette exposition au musée de Millau est-elle une première ?
C’est vraiment la première exposition de ce travail qui existe depuis un an maintenant et qui a com- mencé par un livre, Soulages, Le pas de côté, avec pour la première fois un avantpropos de son épouse Colette Soulages. J’avais parlé de mon travail à Pierre Soulages peu de temps avant sa mort, il était entendu que je lui montrerai mes photographies dès notre prochaine rencontre. Celle-ci n’a jamais eu lieu. Mais si elle s’était produite, j’aurais sans doute été totalement pétrifié !
Le titre de votre exposition invite à regarder la peinture de Soulages autrement..
Mes photographies essaient d’explorer un au-delà de son œuvre. Si l’on contemple longuement un tableau, notre regard entre dans la peinture et c’est tout un univers qui s’ouvre. Je prends des fragments de l’œuvre, avec des focales plus ou moins importantes, selon des angles particuliers. Cela permet de voir les différents éléments dont se compose un tableau et, en découvrant ce qui est dans l’œuvre, de saisir ce qui est en soi. En resserrant la focale, on ouvre une autre focale, plus grande, qui est celle de son imaginaire.